4.07.2024

Adeline Miermont-Giustinati, Creuser ma nuit





Recueil paru en mars 2024 aux éditions de l'Aigrette, Creuser ma nuit touche comme il est rare que ça touche. Ce cheminement sensible, à la démarche aussi forte que fragile, parle à l'intérieur. Une écriture qui raconte comment on existe avec ce que l'on porte, la traduction corporelle d'un poids. Creuser ma nuit perce une roche que l'on voudrait lisse mais qui ne l'est pas, une roche de laquelle j'hésite presque, parce qu'intime, parce que troublant, parce que ne pouvant être détacher du reste du recueil,  à extraire, à recopier, ce texte :


j'arpente le long couloir
cherchant de l'aide
cherchant des étoiles en plein jour
j'entends sa voix de presque morte
dans laquelle trempent 
des presque mots
qui sècheront là
comme du linge sur la corde 


Le recueil se construit en deux temps qui se rejoignent. Sur la page de droite, des bribes de souvenirs construisent la narration d'un évènement et, sur la page de gauche, s'écrit une appréciation contemporaine de cet évènement. On avance, on s'enfonce petit à petit dans le recueil, accompagné de cette phrase, inlassable qui dit énormément de ce que les autres mots disent : "je ne suis pas sortie de ma nuit"



je ne suis pas sortie de ma nuit
je gratte le sol
comme la bête son territoire
j'y renifle mon propre sang et mes bouts de racines
je m'orage 
je me secousse
je me tonnerre
je gratte encore
je creuse
peau et corps
j'aperçois un morceau de ciel
bordé d'images anciennes
je les dévore
je me jette dans la journée
comme une pierre dans la cendre

Quelque chose ne passe pas, un évènement, dans la vie du je. Un évènement sur lequel les mots d'aujourd'hui apprennent à porter un regard. Réaffirment son existence, sa résilience. Dans ce dédale aux branches sombres d'une forêt opaque (la forêt revient souvent, à l'image d'un conte symbolique), il faut trouver les mots pour dire, trouver les mots pour dire l'intérieur du corps. Ça se passe beaucoup là, dans le corps, dans les entrailles, dont les mots se font caisse de résonance. 

Quand on creuse sa nuit, on vit avec des souvenirs, avec une douleur. L'idée n'est pas de s'en échapper mais de la creuser, d'y faire son trou, de s'y affirmer.  


Lien vers l'éditeur :

https://www.editionsdelaigrette.com/product-page/creuser-ma-nuit