7.22.2021

Louis Raoul, Un bruit de bleu


Happé par des temps autres que celui de la poésie, bien que toujours là,  je n'avais pas publié d'article sur mon blog depuis un moment. Mais ça trottait, ça ruminait.

Il m'aura fallu la dernière livraison de L'Ail des ours pour m'y remettre. En ouvrant le colis, tout de suite, j'ai su que ça sentait bon. Un nouveau recueil de Louis Raoul. Un auteur que j'ai lu pour la première fois aux éditions La Renverse, maison d'édition caennaise malheureusement disparue depuis. Lu avec d'autant plus d'attention que j'étais, moi aussi, publié dans cette maison et pour mon premier recueil. Forcément, emporté par cet élan d'exploration poétique, j'avais lu avec avidité tous les textes de La Renverse. En attendant les murs, de Louis Raoul, m'avait marqué. Je trouvais ça incroyable d'être publié dans la même maison d'édition qu'un auteur dont je me disais alors : "ça, c'est un vrai poète". (Remarque que j'aurais bien du mal à expliquer mais qui m'était venue spontanément)

Mais finie l'anecdote, je vous laisse découvrir une écriture dont je me sens proche. Un bruit de bleu, paru en juin 2021 à L'Ail des ours.




Chaleur encore
Des feuilles à l'écoute
Un souffle
Qui ne vient pas 
Un pays
A perdu connaissance
Tu passes un doigt 
Sur la lumière
Cherchant son pouls.

On entre dans le recueil avec l'été, sa chaleur et, bien que conjugués au présent, ses précieux souvenirs. Ici on ressent. Le corps est sollicité : les mains, les doigts, le visages sont des passeurs de temps, le rendent plus sensible, voire le matérialise. La lecture se poursuit avec l'hiver, la neige. S'organise alors un curieux dialogue avec l'été, une saison rappelant l'autre. Louis Raoul y décrit pour attraper, être au plus près de ce temps si particulier qui va jusqu'à vibrer de couleur. Un bruit de bleu suscite des images à la texture palpable qui habitent le réel.


C'était donc moi
Cette ombre ressentie
Accoudée
Là-bas
J'avais un peu froid
Dans ce linge de minuit
J'avais peur de partir
De laisser là
Un corps connu de tant de pluies
Je n'étais plus pour lui
Que cette fraîcheur 
Qui mentait.

Quand on lit ces poèmes, on en entend clairement le rythme. Il y a dans ce recueil un travail qui sert particulièrement bien la mélodie des textes. Les phrases, courtes et sans ponctuation si ce n'est le point final, sont souvent coupées en deux. Les majuscules en début de chaque vers donne davantage de poids au rythme, à l'image d'un temps lourd et chargé. Enfin, un effet de chute apporte un sens nouveau, offre une nouvelle profondeur au reste du poème, ouvre, presque avec malice, les possibles du texte.


A l'ouest de plusieurs soleils
On bat le briquet
Pour allumer le soir
Une vague est habitée
Et celui qui voyage avec l'écume
A des souvenirs de sable 
Ailleurs 
On prépare des traces
Pour accueillir les pas
De l'exilé.

Les poèmes de Louis Raoul, on les lit et on les relit. Chaque nouvelle lecture enrichissant la précédente. 

Les oeuvres de Marie Alloy, aux teintes bleutées évidemment, complètent le recueil. En parfait accord avec les poèmes, elles relient par un pont évident et sensible l'abstrait et le réel.  Un bel ensemble que je ne peux que vous encourager à découvrir.

Lien vers l'éditeur :