2.16.2023

Jean Azarel, Passe-montagnes 


Paru en 2022 chez Gros Textes, Passe-montagnes est une réédition d'un ouvrage publié aux éditions Les Monteils. La présente édition est accompagnée d'illustrations de Jacques Cauda. Illustrations qui, je le souligne tout de suite, grâce à leur épaisseur et à leur présence, accompagnent et jalonnent le texte avec beaucoup de justesse. Encadré par un prologue et un épilogue, ce recueil raconte la découverte, l'exploration, du mont Lozère et de l'Aveyron à travers marches, observations de la faune et de la flore, contemplations. Passe-montagnes nous offre de profondes respirations loin du reste du monde tout en y étant au cœur.




Vergetures de givre 
sur les vitres ;
choisis la couette
choisis bien.
La glace te prend la langue.
Ne parle plus, écoute.
À ce froid sec
seul le thé résiste 
et l'ombre de « l’Épervier de Maheux ».
Pleure jusqu'à la bise,
se fige ton baiser.
Dehors pas âme qui vive,
ni esprits qui s'échauffent.
L'hiver serait-il le coupable idéal ?
Longue cigarette sinueuse,
le Tarn fume
d'une sueur polaire.
Dans la neige gelée,
quelques pattes d'oiseaux
ont laissé leur empreinte
pour faire avancer l'enquête. 


L'expérience du voyage ne découle pas ici d'une fuite vers l'ailleurs mais au contraire d'un souffle, d'une musique, qui vient de l'intérieur, du connu, du là. Le mont Lozère et sa nature sauvage sont décrits dans un état de contemplation communicatif. Jean Azarel nous invite à écouter la nature qui nous entoure, celle que l'on voit à travers la fenêtre. Une invitation d'autant plus facile à saisir qu'ici c'est la nature qui parle et qui fait.


Que crie le vent
sur le plateau ?
Que crie l'instant
sur la silhouette ?
Pas de rendez-vous,
plus de tri sélectif,
juste l'éternité
à 360 degrés,
que tu décapsules
et bois à petites gorgées.

Comme la nature parle et fait, c'est un autre monde qui se découvre. Une autre langue, aussi. Poésie et nature sont proches, ont la même voix. Même intensité, même simplicité. Poésie et nature se révèlent simultanément car, si la nature s'impose avec force, on assiste aussi à la naissance de la poésie et de sa nécessité. Il faut passer la montagne pour passer outre la société -le monde d'en bas- et pour se traverser soi, se sentir davantage ici, dans le corps d'un lieu. Dans un même mouvement, miroir de cette nature qui se découvre sous une nouvelle lumière, la poésie émerge dans la langue. La langue et le monde se résolvent dans cette nature grouillante, vibrante, toujours vivante.


Lien vers l'éditeur :