8.23.2021

François Graveline, La lette 


"La lette (ou lète ou lède) est l'appellation régionale des Landes de Gascogne d'une dépression inscrite entre deux dunes de la zone littorale." nous dit Wikipédia. Elle est, dans ce recueil paru en 2021 aux éditions L'Étoile des limites, un peu plus que cela. Bien que reliée à un lieu précis et à une origine (si ce n'est biographique elle est en tout cas poétique), l'écriture de François Graveline se caractérise par une vraie ouverture sur le monde. L'introspection des poèmes plonge le lecteur au coeur d'un territoire où le singulier crée l'universel.




Au commencement fut une bande de sable ponctuée de touffes d'herbes, une steppe étroite séparant la forêt des Landes de la dune atlantique, la lette.

Sa beauté me fascine 
son âpre mystère

Ma vie est cette vallée sèche
entre deux mondes 
où fleurit l'immortelle.

Le texte ci-dessus ouvre le deuxième chapitre du recueil dont il convient de souligner la construction. Décomposé en dix courts chapitres, le texte de François Graveline propose une poésie narrative qui alterne paragraphes en prose et vers libres. Dix chapitres dont la cohésion fait écho au propos au coeur du recueil : le soi, l'être en construction.

La lette nous est donc présentée au deuxième chapitre. Le premier, réalisant à cette occasion un formidable incipit, est consacré aux résultats de cette recherche poétique. Le recueil développe ainsi la notion d'ensemble et même de cycle puisque le premier chapitre prend finalement la suite du dernier.


Le monde n'est pas fini. Il ne s'achève pas. Ne se cantonne pas qu'au dehors ; il se poursuit en nous. Se prolonge. S'y résout... Ou porte au plus haut, au plus vif de ce que l'on peut être.
Dans le monde qui se poursuit en moi, la haute grange grise, blanche à l'aube, dorée au couchant, grande ouverte sur la lette, jouxte la porte enténébrée, verrouillée, enracinée au néant. 
Elles forment les deux versants d'une même chose, ma vie. La lette ou le néant, ai-je d'autre choix ? La lette, qu'est-elle pour moi sinon la rive lointaine où retrouver, un jour, la langue qui permet d'être.

Le narrateur se fait dans cette lette. Il développe au fil des pages cette relation si particulière, intime entre le je et ce lieu, ce que cette lette a pu représenter, provoquer, faire naître. Pays de l'enfance recherché, lieu à la fois réel et fantasmé, cette plongée dans la lette raconte également l'apparition de la poésie. 

Elle vint, ardente, elle vint, douceur, 
elle vint, lumière
Elle, m'inventant

Elle la poésie

Comme l'eau des fontaines,
l'être jaillit des mots

Un jour, contre le mur de la grange 
elle m'embrassa
Mon premier baiser

Sa langue, je la sais toujours.

Cette poésie nous entraîne sur un chemin bordé de talus philosophiques. Un voyage commun vers les sources d'une poésie vivante, essentielle. 


Je me serai tenu
à la lisière des hommes
plus proche du silence
que de la parole.


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