4.30.2021

Louise Moaty, À la métamorphose


Polder 188 paru chez Gros Textes en 2020, À la métamorphose de Louise Moaty nous offre une poésie pas souvent lue. Une puissance et une fougue d'écriture rare. On est emporté, ça change, ça métamorphose.


J'ai commencé à quadriller le monde
mon dos est un tampon encreur 
j'imprime à tâtons 
la surface du réel
sans bruit
sans surprise
pour que plus rien ne bouge
je sillonne
peintre aveugle
quadriller le réel
et quand tout sera fixe
moi-même je resterai figée
derrière cette grille
avec mes mots
près de mes morts.

Et ça fait du bien d'être pris dans ce souffle dont on perçoit très vite l'ampleur et la volonté. Dès les premières pages, c'est une création du monde, comme une naissance, qui laisse sans voix, mais pas sans mots. Trois textes ouvrent la voie des "révolutions", séismes - "toutes les pierres se sont mises à trembler" - à la dimension apocalyptique. Trois poèmes à la narration différente du reste du recueil et aux images saisissantes. Exemple : "ils avançaient le corps ouvert et tout se déversait". Quelque chose prend place, une violence magnifique tant dans la forme que dans le fond.


Éclat de miroir sur un éclat de jour
le rire a fracturé le temps
avance : tout est perdu
abolition l'instant te plonge dans l'inconnu
abîme ouverte au milieu d'une phrase
tu bascules.

Dans la poésie de Louise Moaty c'est mouvant, changeant, grouillant, vivant. Les métamorphoses sont multiples avec, déjà, celle de la narratrice qui peut être "singe", "ombre", "loup", ou encore "tampon encreur". Mais c'est aussi une métamorphose de la parole qui se fait poésie. La langue poétique arrive, surgit, entre en éruption, et percute de plein fouet le réel.


À la fin
se noyer dans la beauté de tout
devenir un nuage
eau diluée de ciel
diffraction
atome.

Un élan fou de poésie que l'on lit, haletant, dans une course sauvage.


Lien vers l'éditeur :


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